Je sais les arguments par
quoi on vante le soi-disant progrès que constitueraient
les grandes masses nationales.
Or, c'est très contestable.
Faut-il rappeler, pour ne citer que la France où La
Révélation d'Arès a été donnée, que la révolution
de 1789 n'a pas rendu leur liberté aux petites ethnies
annexées de force depuis des siècles au royaume qu'elle
renversait ?
La république s'est approprié le pouvoir total sur le
territoire total dont avant elle s'étaient emparé les
engances princières (Rév d'Arès 1/7).
L'injustice et l'inconséquence, de plus en plus visible,
de cet agglomérat livré à la gloutonnerie du pouvoir
politique, au nom de quoi pouvons-nous nous y opposer
aujourd'hui ?
Au nom de La Révélation d'Arès,
La pénitence — l'amour, le pardon,
la paix, l'intelligence du cœur et la condition
humaine absolument libre — à laquelle le Père
appelle ne peut être idéalement vécue que dans des petits
groupes humains.
Comment peuvent subsister avec bonheur des petites unités
souveraines ? Je ne me suis pas beaucoup intéressé
aux quelque 400 micronations, beaucoup éphémères et peu
sérieuses, ou à la trentaine de micro-états (Malte,
Andorre, Islande, Îles Cook, etc.). Je me suis surtout
penché sur deux modèles très différents de nations : L'une
tout à fait souveraine religieusement : les Juifs
étroitement unis dans la confession la plus libre du
monde, le judaïsme et son "insoumission sans âge,
proprement immémoriale" (Bernard-Henri Lévy), mais pas du
tout souveraine économiquement, totalement dispersée.
L'autre moins éloignée de mon idée de petite économie
souveraine : Les petits cantons historiques de la
Confédération Helvétique ou Suisse, qui sont des états
souverains. J'ai pu y faire un voyage d'étude en octobre
2015 grâce au dévouement d'un couple de Pèlerins d'Arès
suisses.
La modernité sociale n'est pas dans la grande masse. La
lutte séculaire contre l'idôlatrie de la politique, voire
même du pouvoir ne peut être menée avec succès que dans
les petites nations, dont le Père dit qu'elles reviendront
vers Lui (Rév d'Arès 28/21). Les petits cantons
suisses ne sont certes pas peuplés de pénitents,
mais quand, s'inspirant de leur modèle concret, existeront
des petites économies souveraines de pénitents,
le Jour de Dieu (31/8) pourrait bien
ne plus tarder.
Je livre aux lecteurs du blog les notes in extenso que
j'ai prises sur place. Cinquante pages 14,5x21 de notes
manuscrites sans structuration de texte avec des
répétitions qu'on me pardonnera, mais je pense que telles
quelles sont, ces notes portent la lumière de la sincérité
et d'une réflexion qui n'a pas cessé où que je fusse
autour du Lac des 4-Cantons. Ceci dit, un homme de mon âge
sait que c'est toujours à travers ses propres œuvres et
habitudes que l'esprit rencontre la vérité et commet ses
erreurs. Alain disait que pour penser juste, ile faut
"jeter des ponts sur des abîmes". Aussi, n'ayant jamais
mis les pieds dans la Suisse historique centrale avant
2015, j'ai filtré mes observations à travers mon propos
crible et j'ai pu mal évaluer certaines choses. Mais
enfin, il faut bien commencer par quelque chose !
______________________________
NOTES PRISES LORS MON VOYAGE DANS
LES CANTONS HISTORIQUES SUISSES EN 2015 :
Schwytz (dans la confédération depuis 1291) 146.000
habitants
Uri (dans la confédération depuis 1291) 35.000 habitants
Nidwald (dans la confédération depuis 1291) 41.000
habitants
Obwald (dans la confédération depuis 1291) 35.000
habitants
Lucerne (dans la confédération depuis 1332) 377.000
habitants
Zoug (dans la confédération depuis 1352) 113.000 habitants
Glaris (dans la confédération depuis 1352) 38.000
habitants
Tous ces cantons sont des petites unités humaines. Chacune
d'elles est une nation totalement souveraine faisant
partie de la Confédération Helvétique.
Toute organisation humaine ne me paraît justifiable que
pour des objectifs très limités. L'homme doit être
absolument libre [Rév d'Arès 10/10] — liberté
pour laquelle il a été créé — ; aussi la société ne
peut-elle garantir la liberté qu'en unités réduites
libres.
La politique comme la religion n'est qu'une affaire
professionnelle. On est ministre, sénateur ou député comme
ailleurs on est évêque, rabbin, prêtre, pasteur, imam,
ayatollah, gourou. Or, si la politique ne devait être que
la bonne gestion de la société, elle devrait être le fait
de n'importe qui et non le fait d'initiés, de
professionnels. Que la politique comme la religion ne soit
plus qu'une fonction d'initiés donne aux autres, aux
administrés, le droit à la curiosité. La gestion de la
société ne devrait reposer que sur quelques règles de bon
sens simples. Ce n'est plus le cas parce que les nations
sont trop grandes, trop nombreuses, trop diversifiées à
l'intérieur d'elles-mêmes.
Pour que l'homme pèse sainement les conditions de son
bonheur, il doit percevoir clairement sa situation au
milieu de sa société. Cela ne peut pas se faire hors d'une
petite unité humaine.
Je ne peux pas exercer mon droit à la curiosité si je vis
dans une nation trop nombreuse et par là même
inévitablement trop complexe, sinon compliquée. Des hommes
ont compris cela il y a longtemps et pour maintenir leur
droit à la curiosité ils doivent réduire leur habitat à
des petites unités humaines. Cela me semble être le cas
des Suisses des Cantons.
Je ne suis qu'un bon croyant. Je ne poursuis par un
objectif politique ou religieux. Il me paraît évident que
des humains pénitents : aimants,
pardonnants, pacifiques, intelligents et libres
spirituellement, finiront de même par vivre en hommes de
Dieu, en petites unités, quand les grandes masses
éclateront. Seule la vie en petites unités permettra un
exercice épanouissant de la pénitence, mais en
même temps — concomitance — je pense que l'apparition de
petites unités permettra le développement d'une société pénitente
idéale, optimale.
Notre monde devient absurde : la pénitence
contribuera à réduire cette absurdité, ou bien il faudra
périr. Périr de quoi ? Du péché des péchés.
La politique a sa raison ; La Révélation
d'Arès a sa raison que j'écris souvent Raison.
La raison politique n'accorde pas de liberté ; elle
n'accorde que des autorisations. La Raison du Père
donne à l'homme depuis l'origine la liberté absolue. La
liberté absolue ou un état de liberté proche de l'absolu
ne peut se trouver que dans des petites unités de gestion
collective.
Je ne crois pas être le premier à y penser, mais le bon
sens et le courage vaincus, l'injustice de la démocratie
consacrée sont des faits répétés dans le monde.
L'injustice de la démocratie ? Oui, le pouvoir d'une
majorité — parfois minime — sur une minorité — parfois
majoritaire — est une injustice. Il faut en arriver à
dépolitiser la société des hommes pour ne plus avoir qu'à
la gérer, c.-à-d. à appliquer le bon sens et la justice,
non au sens de la loi mais au sens de ce qui est juste,
par dessus la variété des idées et des opinions, car l'amour,
le pardon, la paix, l'intelligence
spirituelle et la liberté absolue sont au-dessus des idées
et des opinions.
Nous sommes en route depuis 8 h 00 vers les Cantons
Suisses. Hier j'ai longuement regardé la carte de la
Suisse. Ce qui frappe, c'est le relief : la montagne,
les lacs. Ce pays s'est bâti sur la roche et l'eau. Dans
la région où je vais m'efforcer de comprendre comment et
pourquoi ces régions forment des petites unités humaines
farouchement attachées à leur liberté, leur indépendance
alors que visiblement les ressources naturelles de ces
lieux sont pauvres. L'économie n'est pas le moteur de leur
liberté. Il faut donc qu'il y ait autre chose :
l'amour de la liberté, l'amour du lieu, l'instinct
d'isolement comme le renard dans son trou ? Autre
chose ? La foi ? Quel rôle a joué la foi dans
l'isolement recherché ? À l'époque où les cantons
historiques se sont formés la foi était catholique. Mais
j'imagine que le christianisme d'église n'était pas très
vigoureux dans ces régions sauvages et pauvres, qui
n'attirait pas beaucoup le clergé et qui, je suppose,
était surtout représenté par des monastères recherchant
eux aussi l'isolement.
Et si derrière le mystère de leur liberté farouche ces
Uriquois (Iroquois !) cachaient un savoir perdu. Le
savoir n'est pas connaissance, ni science. Le savoir,
c'est l'intégration totale à l'être, c'est plus que la
vie, c'est la réalité qui attache l'être à son Créateur,
c'est le pont qui relie au Tout et à côté de lui les
savants et leurs diplômes ne sont que nullités ; de
plus éphémères. Nous sommes trompés par les trouvailles
technologiques qui nous font imaginer que nous sommes loin
de l'antiquité païenne. En fait, nous sommes encore dans
la préhistoire. La Révélation d'Arès nous le dit.
Nous sommes peut-être moins que les troglodytes qui
avaient une sagesse que nous avons perdue. Les troglodytes
avaient ce savoir perdu depuis, du moins ils en avaient
encore une partie. C'est sans doute ce savoir, ce lien
avec la sagesse initiale qui vit encore chez les habitants
des cantons avec leur liberté à tout prix. Tout homme en
quête de liberté absolue retrouve quelque chose de ce
savoir absolu. C'est la clé de la Vie.
Étonnement ! Autour de Lucerne une importante
activité industrielle. Vais-je trouver demain Uri avec la
même activité ? Le lac des Quatre Cantons a des rives
montagneuses abruptes, mais cette roche est couverte
d'arbres jusqu'en haut et cela donne au lieu un certain
côté fantastique.
Aujourd'hui déjeuner à Altdorf, chef-lieu du Canton d'Uri.
La surprise entre Lucerne et Altdorf, c'est de trouver une
région que je croyais rustique bien au contraire moderne
au milieu d'une nature rocheuse qui, au temps où la
confédération naquit, pouvait passer pour hostile. Le
canton d'Uri ? Une vallée entre deux montagnes
rétrécissant vers le Sud. Très peu de place pour une
activité agricole dans la vallée, des maisons propres
sinon pimpantes tout le long, mais évidemment peu de monde
puisque peu de place. Ce genre de vallée, fermée côté
Gothard au temps de Guillaume Tell, ne pouvait pas être
convoitée par les puissants. Seulement une population
pauvre pouvait vivre là, pauvre et peu nombreuse.
L'indépendance est peut-être venue naturellement,
simplement parce que l'endroit n'intéressait personne.
Puis avec la solitude, les habitants de cette vallée ont
développé un sentiment de liberté farouche. Ce sentiment
de liberté a persisté jusqu'à présent. Le percement récent
du Tunnel du Gothard a donné à ce canton un rôle de
passage qu'il n'avait pas. De quoi pouvaient vivre les
habitants d'Uri jusque là ? Plus vraie est une
démocratie, moins ses membres s'occupent des autres et
plus ils font en sorte que les autres ne s'occupent pas
d'eux. Cela ne peut se produire que dans les petites
unités humaines. Tenacement indépendantes, ces
démocraties-là ne cherchent pas à signer des traités
commerciaux avec les autres, sinon pour leurs besoins
minimaux, de sorte que les autres s'intéressent à eux le
moins possible. Longtemps, je suppose, les Uranais surent
ainsi se passer d'oranges, de cuivre, de fer, sauf le
minimum nécessaire. Et puis, avec quoi auraient-ils payé
ces marchandises ? Faute de moyens matériels, ils ont
développé d'autres valeurs non monnayables : les
valeurs morales, la force des symboles : la foi, y
compris la foi en eux-mêmes, que Guillaume Tell représente
bien. Ils ont appris à se gérer, à se faire confiance et
ont expérimenté la puissance de cette confiance. Liberté,
confiance, sobriété, les ingrédients de l'indépendance et
de la volonté de rester indépendants, se sont développé,
ont constitué une richesse sans prix sur leur pauvreté
matérielle. Ils ont ainsi compris que dans ce monde sans
cœur ni mémoire s'en tenir à la fidélité et à la
solidarité constituait le levier indestructible de
l'indépendance.
Aussi les Uranais ne vivent-ils pas sur une utopie, ils ne
dorment pas en rêvant d'un monde disparu, menacés de se
réveiller sous le ciel sombre — sombre comme le temps
froid, pluvieux, brumeux qui y sévit ces jours-ci — ils
ont forgé des valeurs sûres. De là la persistance de la
composition cantonale. C'est sous un drapeau confédéral
que vit ce si beau pays de Suisse.
Les Uranais n'ont pas choisi pour ou contre l'Histoire,
ils ont fait l'Histoire là où elle débouche probablement
sur la fin de l'Histoire, qu'annonce La Révélation
d'Arès. Les Uranais se sont-ils installés, petite
meute de montagnards à demi sauvages, parce qu'ils étaient
fatalistes dans cette vallée ? Se sont-ils dit :
"Bah ! Pourquoi pas ici autant qu'ailleurs ?"
Aurait-on pu attribuer leur solitude à un goût de la
fatalité ? Si oui, le retrait d'hommes non fatalistes
dans des petites unités sera très difficile. Mais je crois
qu'au contraire les Uranais n'étaient pas des fatalistes
et que l'amassement de grandes quantités d'humains en
vastes nations est dû à un fatalisme. Dans ce cas, la
réduction des grandes masses en petites unités sera tout
aussi difficile puisque nécessitant une sérieuse volonté
d'être ainsi. Les gens d'Uri n'étaient pas des fatalistes,
mais au contraire des volontaristes parfaitement
conscients des difficultés de la vie en des lieux si peu
confortables. Le volontarisme et l'inconfort constituent
le prix de la liberté tendue vers l'absolue liberté qui ne
sera accessible qu'au Jour du Bonheur retrouvé.
Question posée alors : Comment sortir l'humain
fataliste, que rencontre la mission chaque jour dans la
rue, de son fatalisme ? Comment obtenir de lui qu'il
ne croit plus que l'esclavage sous la férule de la
politique et de ses lois est une fatalité ? La
réduction des masses en petites unités exigera cette ascension
de la pensée, consciente ou non, vers les sommets de la
volonté de liberté.
On se regroupe en petites unités comme on s'exile en
préférant l'exil à la patrie asservie. Alors Uri une
vallée d'exil ? Plutôt l'exil ici que la peste
ailleurs ! Au début de cet exil voulu les Uranais
durent-ils couper toute communication avec le monde des
puissants au dehors ? Auraient-ils — signe que leurs
âmes naissaient — coupé volontairement tous les véhicules
de l'infection physique ou politique dont souffraient les
masses du dehors ? Guillaume Tell est-il autant que
symbole de la liberté le symbole de la santé ? La
statue au cœur d'Altdorf respire une robuste santé !
Mais le sculpteur a-t-il songé à la santé ou à la
musculation de l'aventurier ? La santé, c'est
évident !
Le monde d'aujourd'hui ne nous donnera pas le
bonheur ; il ne nous promet que politique, lois,
règlements avec pour certains pays la religion en plus.
L'Appel du Père à Arès en 1974-1977 eut en toute logique
nous dire : Si vous acceptez cette existence-là, vous
mourrez spirituellement. Le seul moyen de vivre sans
politique ni lois, c'est la réduction de la société
humaine en petites unités.
Aujourd'hui Zoug ! Étonnement ! Je m'attendais à
une région morne avec un chef-lieu triste, je trouve un
canton pimpant, un chef-lieu plaisant et même beau
ceinturé d'activités industrielles. L'aspect cossu des
édifices, bâtiments, maisons, la qualité supérieure des
voitures montrent que l'argent ici ne manque guère.
L'indépendance du canton repose à n'en pas douter sur la
finance. Il paraît que les habitants de Zoug ne paient pas
d'impôt cantonal ; ils paieraient seulement l'impôt
fédéral.
Les avantages fiscaux ont attiré quantité
d'activités ; ils ont invité à résider là. La
proximité de Zürich y est certainement pour quelque chose.
Toutefois, quand après avoir longé le lac Agensee jusqu'à
Oberägeri on pénètre dans le canton de Schwytz tout
devient moins pimpant, moins cossu, on entre dans la
campagne, on croise des tracteurs agricoles, la peinture
des chalets est un peu fatiguée. Dans le canton de Schwytz
l'argent n'est pas le roi et la distance de Zürich est à
peu près la même. L'indépendance des cantons de Zug et de
Schwytz repose sur des causes visiblement différentes. Il
est manifestement possible, à quelques kilomètres de
distance, de développer des petites unités humaines vivant
tout différemment. La Suisse est un petit monde très
diversifié. Uri, Zoug et Schwytz me présentent des visages
sans ressemblance entre eux. Quand même je serrerais
contre moi tous les visages du monde, je ne serais jamais
informé, sur le moment, de ce qui fait leur variété.
Pourtant, l'humanité n'est plus rien sans cette variété.
Tous les cochons, les écureuils, les éléphants se
ressemblent. Les hommes non !
Voilà des décennies, Seigneur, que je pense à la société pénitente
dont tu m'envoies fonder les bases et j'ai ainsi pensé à
nombre de dispositions à préparer dans les cœurs
humains ; j'ai mes idées sur quantité de choses,
puisque le rôle du prophète est, entre autres, de
transformer en projets concrets Ta Parole. Mais sur le
sujet des petites unités, dont je sais la nécessité, je
n'en suis encore qu'au stade des émotions. J'observe.
L'observation m'émeut. Comment la changerai-je en idée
réalisable ? Je n'ai que l'exemple des cantons
suisses pour m'aider. J'y suis et je perds pied parce que
ce qui a permis à ces cantons d'exister m'échappe encore.
J'ai vu trois cantons... Vu ? Plutôt traversé... Et
ce que je vois est si différent de ce que je m'attendais à
voir, je dois raboter le plancher même de ma pensée,
enlever tout le vernis de ce que je m'étais imaginé,
repartir du bois brut et neuf. Nous vivons tous, nous les
humains, dans des préconceptions. Or, se rendre libre
(10/10) de tous préjugés c'est effacer de sa pensée
les préconceptions. C'est un renoncement difficile. Non
que renoncer me contrarie, non ! Mais faire de sa
pensée un lavabo clair où va couler une eau pure et
limpide. Pourtant, je dois me pourvoir de cette innocence
qui me permettra de comprendre. Qui est heureux à
Zoug ? Les Zougois ou ceux du dehors qui habitent et
s'activent à Zoug ? Ou les deux ? Les Zougois
auraient les plus gros revenus de Suisse, mais leur canton
serait-il un lieu où règne le bonheur ? Ce n'est pas
l'argent qui est mauvais en soi mais l'usage qu'on en
fait. Le revenu moyen des Zougois est 93.753 Francs
Suisses l'an. Mais que fait un Zougois de tant
d'argent ?
Quand l'homme se persuade ou se laisse persuader de son
impuissance à se gérer lui-même, il est l'esclave de la
politique ou de la religion et de leurs lois. Sans nul
doute les habitants des cantons suisses ne se sont pas
laissé persuader de leurs impuissances (les mêmes?) à se
gérer. Ils n'ont pas toujours mis la paix au-dessus de
tout, parce que leur histoire a été guerrière par moments,
mais aujourd'hui ils sont manifestement pacifiques
absolus. Ils ont d'une certaine façon arrêté l'Histoire
parce que la paisibilité des lieux, frappante quand on les
traverse, montre que les gens ont compris que le conflit
détruit, qu'aucune victoire n'est définitive, que les
idéaux autres que l'acceptation du prochain et l'effort de
s'entendre pourrissent et empoisonnent. Ils ne raisonnent
plus en termes de défaite et de victoire, mais en termes
de paix et de consentement. La paisibilité des lieux ne
peut pas s'expliquer autrement.
Quantité de réflexions me montent à la tête à propos des
cantons. Il y eut ceux qui les fondèrent et il y a ceux
qui aujourd'hui en héritent. Ceux qui naissent à Schwyz, à
Zoug ou à Uri sont-ils différents des nationaux qui
ailleurs croient dans les grands ensembles style Russie,
USA, Allemagne et à leurs lois ? Non. Il y a du
hasard dans les naissances. Alors, pourquoi les héritiers
des cantons sont-ils convaincus qu'ils doivent défendre
leurs indépendance et liberté et pourquoi les autres ne
les envient-ils pas ? Une question à reprendre.
Aujourd'hui Lucerne – ville d'aspect vieillot, voire
funèbre en certains endroits : la pierre de vieux
immeubles fait penser à des pierres tombales, mais le
temps était nuageux, pas gai. Nous l'avons tout juste
traversé en route pour Unterwald : Nidwald et Obwald.
Arrêt déjeuner à Sernen, chef-lieu d'Obwald, puis trajet
jusqu'à Stans, chef-lieu de Nidwald. Ces villes ne
laissent pas d'impression particulière. De Stans traversée
d'Unterwald [c.-à-d. Obwald + Nidwald] jusqu'à Engelberg
et là enchantement ! Beau voyage à travers une
campagne montagnarde et boisée. Si je devais séjourner en
Suisse, Obwald m'attirerait sans doute.
La politique, qu'elle soit en campagne électorale ou au
gouvernement, prétend tout savoir et tout régler. En
traversant Unterwald [Nidwald + Obwald] j'ai eu le
sentiment que la politique, s'il y en a ici, laisse à ses
habitants le savoir et le soin de régler. Routes avec un
minimum de balisage et d'indications. Uri sent la liberté,
mais Unterwald la sent davantage. Ici, on sent que
l'habitant sait que la raison ne peut pas tout régler et
qu'il faut du cœur. Ici on sent que personne ne prétend
tout savoir et qu'il faut entendre ce que savent les
autres. Or, comment savoir ce que savent et pensent les
autres dans une nation massive ? Impossible ! On
ne peut entendre les autres que dans une petite unité
humaine.
Autrement dit, le respect de l'autre, de sa raison, de sa
pensée, de ses besoins, ne peut qu'être appliqué dans un
petit groupe d'humains. Je me demande si nous respirions,
en traversant ce canton, l'air des Alpes et l'air de
l'intelligence qui n'est pas qu'intellectuelle mais aussi
spirituelle, l'intelligence du cœur et de l'âme
qui sait que tout ne lui est pas donné et qu'une part de
ce qu'il faut faire est d'inspiration spirituelle. Aussi
extraordinaire que le vert des prés (on les croirait
passés à la laque Ripolin) quelque chose flotte ici qui
est l'approximation plus vraie et heureuse qu'une
idéologie cohérente mais fausse comme celles qui règnent
sur les grandes nations qui accumulent les erreurs. Rien
d'abstrait ici ! On sent la simplicité, le piston du
bonheur. La majorité massive se trompe toujours ; les
minorités maigres savent ce qu'il faut faire. Ici on mange
du vrai, on ne mange pas du mensonge. Ici on a refusé à
l'argent, à la politique, à la loi le droit d'appeler
démocratie ce qui ne l'est pas. Voilà ce qu'ici j'ai vu
flotter dans l'air jusqu'aux sommets blancs de neige que
je voyais en kaléidoscope dans les trous des nuages. Ces
gens travaillent sans arrêt à leur libération. C'est plus
que la liberté, c'est la libération perpétuelle que j'ai
vue. Jour de grand bonheur, j'ai reçu la confirmation que
le bonheur au sens que le Père donne à ce mot ne peut
exister qu'entre peu d'humains sur un terrain de peu
d'ampleur.
Les chapelles ici sont nombreuses, de plus belles
fringantes, toutes d'un blanc éclatant. Qu'importe la
religion qui s'y manifeste, ce qu'elles manifestent,
elles, c'est le Créateur. Leur grand nombre me rappelle la
Bretagne. Les hommes au milieu desquels ces chapelles
ponctuent la foi, quelle qu'elle soit, foi en Dieu, foi en
l'homme, ont de l'espérance. Pour bien montrer aux
citoyens des grandes nations qu'ils ont plus besoin de
lois et de police que d'espérance on les noie sous les
fonctionnaires et leur paperasse. À Unterwald on sent
qu'on n'a pas refusé aux citoyens de ces petits cantons le
droit à l'espérance. On leur rappelle même par ces
nombreuses chapelles qu'ils doivent plus espérer que faire
des lois. Traversez Unterwald et les contradictions et
erreurs tyranniques des grands nations d'alentour vous
apparaîtront au loin !
Il y a des lieux qui sont plus grands que vous. Je veux
dire des lieux où vous vous sentez tout petit, subjugué.
Et il y a des lieux où vous vous sentez grand, parce
qu'ils vous paraissent vides ou dérisoires. C'est le cas
de Glaris que j'ai traversé ce matin pour déjeuner à
Glarus, aussi appelé Glaris-centre. Disparition de la
Suisse chatoyante. Finis les jolies maisons aux toits
ouvragés. Rien que des maisons sans caractère aux toits
banals. Il pleuvait, il faut bien le dire. Temps bouché,
triste. Saint Fridolin orne le blason du canton. J'ai
l'impression d'y marcher à reculons vers une sainteté de
la négation. Pourquoi est-il patron d'un canton où,
d'après ce que j'ai lu, il n'a pas mis les pieds ?
Irlandais, prieur de Saint-Hilaire à Poitiers, il a
ensuite fondé un monastère sur le Rhin non loin de Bâle.
Le canton de Glaris existe sans avoir l'air d'exister
comme Fridolin semble n'y avoir pas existé. Un article sur
les petites unités humaines suisses peut-il cependant
éviter Glaris ? Tout juste trois communes :
Glaris-Nord, Glaris-Centre et Glaris-Sud. Manque total
d'imagination. Pourtant Glaris est habitat humain même
s'il n'est pas transcendant, quoique le Tödi avoisine les
3.600 mètres. 38.000 Glaronais !
Les gouvernants des grandes nations comme la France
qualifient d'irresponsables les citoyens qui ne sont pas
d'accord avec eux. Responsable... responsabilité. Quel est
le rôle de la responsabilité dans les cantons
suisses ? Les conseils gouvernementaux des cantons
considèrent-ils comme responsables leurs contradicteurs et
examinent-ils avec sincérité leurs propositions ?
Traverser ces cantons ne permet pas de le savoir ; il
y faudrait vivre. Étudier leurs constitutions fait quand
même rêver.
En roulant je devine mieux les humains qui vivent là,
surtout je comprends mieux Jean-Jacques Rousseau en me
rappelant qu'il était suisse, ce bougre d'homme, le Newton
de la nature humaine. Comme Newton relia entre eux les
formes, poids, distances de la matière par un principe
unique très fameux, Rousseau relia les profondeurs de la
nature humaine par une vérité simple : la supériotité
de l'état de nature sur la civilisation. En traversant ces
lieux, qui me font l'effet d'être mythiques, je devine les
bienfaits de l'éducation négative, celle qui repose sur la
liberté des tendances naturelles et qui rejette les modes
d'action artificiels qui sont les nôtres et leurs
contraintes. La Suisse, à tout le moins celle des vieux
cantons, vit tout autrement que nous.
Le temps témoigne que les Suisses n'ont pas voulu d'une
nation soumise à une loi unique, mais ont voulu vivre en
petites unités humaines décidant chacune de son mode de
vie. La Suisse n'est pas sortie d'un système comme la
monarchie ou la république imposée à tous mais d'un
bouquet de fleurs indépendantes, toutes différentes, dont
leurs citoyens sont les pétales, de toutes les couleurs.
Sur la prairie de Grütli au XIVème siècle ce ne sont pas
trois groupes s'unissant qui se rencontrent, mais trois
groupes indépendants se promettant assistance [la prairie
de Grütli est le lieu où les premiers Confédérés se sont
réunis lors de leur conjuration contre les baillis
autrichiens pour y ont prêter le Serment du Grütli [Cette
histoire est relatée dans le Livre blanc de Sarnen (vers
1470). Le chroniqueur Gilg Tschudi (1505-1572) situe le
Serment du Grütli au mercredi avant la st-Martin, soit le
11 novembre 1307]. Ce serment est celui fait entre trois
groupes de refusants gardant chacun son propre refus de
l'obéissance au pouvoir — Les cantons sont nés de refus
d'obéissance qui restent leur dynamique aujourd'hui encore
— mais qui se connaissent un ennemi commun : le
répresseur de rebellion, quel qu'il soit. Visiblement, les
cantonaux ne restent pas dans une rumination abstraite de
leur passé ; leur passé qu'imagent dans chaque canton
ses armoiries n'est qu'un symbole qui rappelle la force de
la liberté : l'aurochs, l'ours, même Fridolin qui,
quoi qu'homme d'église, ne serait pas venu se perdre dans
ses montagnes s'il n'avait été quelque chose d'un
refusant, d'un "insurgeant". Personne ici ne s'est jamais
dit que la liberté se gagnait à peu de frais. Si Hitler
envahit la Tchécoslovaquie, la Pologne, mais pas la
Suisse, c'est qu'il savait que cela lui coûterait très
cher. L'idée du réduit dans la stratégie suisse est l'idée
juste que l'armée étrangère qui voudrait dominer ces
montages helvétiques ne pourrait le faire qu'au prix très
élevé d'insécurité et de pertes considérables résultant
d'attaques-surprise continuelles déferlant de la montagne
comme des avalanches. Les cantonaux placent la liberté
au-dessus de la vie ; c'est le sentiment qu'on
éprouve devant la statue de Guillaume Tell à
Altdorf : un seul homme libre peut valoir une armée
d'esclaves ou de mercenaires sans autre amour que celui de
leur solde. Il n'existe pas de liberté tranquille et
définitivement acquise. Tant que la pénitence ne
sera pas reconnue comme la force du Bien, la
liberté sera menacée et c'est pour proclamer qu'ils en ont
conscience que les Uranais ont dressé la statue de
Guillaume Tell à Altdorf.
Il y a toujours un moment où l'homme le plus courageux
perd courage ; de même il y a sûrement un moment où
l'homme le plus libre perd sa liberté. Quand l'homme
cantonal d'Uri, de Schwyz ou d'Unterwald perd-il la
sienne ? Quand la loi fédérale se substitue à celle
de son canton. Cependant, les petites unités doivent
raisonnablement se fédérer pour faire face à des besoins
qu'une seule petite unité ne peut satisfaire comme former
des médecins, des ingénieurs, construire un chemin de fer,
etc. Mais est-ce obligatoire à défaut d'être
raisonnable ? Non, je ne pense pas que dans un
système similaire de petites unités, ailleurs, une petite
unité humaine soit dans l'obligation d'adhérer à une
confédération. Cette décision d'être seul est évidemment
la prolongation infinie du moment de courage et de liberté
optimales. La liberté proche de l'absolu est la grandeur
proche de l'absolu. Combien d'humains de nos jours
accordent-ils un prix à la grandeur ? Question
angoissante.
Actuellement, les pouvoirs des grands systèmes cherchent à
asservir l'esprit en le nivelant à leur niveau idéologique
et à humilier, sinon tuer les âmes. Pour saisir le
danger de cet esclavage par l'éducation et le combattre il
faut de la grandeur. Mille lois braquées comme des
mitrailleuses sur l'homme de grandeur n'empêcheront pas
celui-ci de croire en lui-même et à la justice de sa
cause. Je crois qu'aux composants de la pénitence :
l'amour,
le pardon, la paix, l'intelligence et la liberté,
je devrais ajouter la grandeur. Faire taire,
emprisonner ou tuer l'homme de grandeur ne suffira jamais
à l'abattre, parce que la grandeur d'un seul homme est la
grandeur de tous les justes qui affirment leur justice.
Que valent ces vieux cantonaux lucernois à proximité
desquels je buvais tout à l'heure une "Eichhof" [bière
locale] ? Que valent en grandeur ces vieux hommes
libres qui ne semblaient que débonnaires ? Il me
faudrait vivre auprès d'eux pour le savoir ou en avoir
seulement une petite idée. À vouloir écrire juste et vrai,
on se voue à juger et le jugement est la pire chose dans
quoi le pénitent de grandeur puisse tomber. Venu
observer les cantons sur leur terrain, je ne veux pas
m'ériger en juge, je ne veux pas tomber dans la sottise. Aghéla,
mon ange, viens et épargne-moi de substituer mes idées à
mon observation honnête ! Épargne-moi d'en dire plus
que je ne vois ! Mets à ma conscience une ceinture
rigide ! La vérité est une lumière de l'âme,
elle n'est jamais intellectuelle. Le devoir de réflexion
et de probité est spirituel même chez un athée et même
s'ils ne le savent pas.
J'ai conscience qu'il faudra mettre en harmonie la pénitence
de chaque homme, plus nécessaire et plus sacrée que
jamais, et l'organisation ou plutôt la gestion collective
de la société pénitente. La vie moderne, notamment
ses facilités en matière de communication et de transports
par exemple, facilite le travail d'amassement humain des
pouvoirs politiques, qui peuvent être religieux de
surcroît en certains pays. La réduction en petites unités
n'a, de ce fait, jamais été plus nécessaire mais en même
temps plus difficile. Aussi trouvé-je plus significatif
que jamais le fait que les cantons suisses continuent
d'exister. Les observer, apprendre d'eux, m'est
nécessaire. Il s'agit de concilier le bon sens, la vertu
et la liberté pour en faire un mode de citoyenneté en
petite unité humaine.
Cette conciliation est très difficile dans une humanité
qui est, erronément, de plus en plus convaincue de la
nécessité des grandes masses et de lois appliquées au plus
grand nombre. Admirable me semble donc une loi appliquée à
une seule vallée des Alpes comme c'est le cas d'Uri où
j'ai déjeuné hier. Une promenade dans les rues d'Altdorf —
chef-lieu du canton — ne donne pas à cette petite, très
petite ville, une impression spéciale d'originalité et
pourtant c'est la capitale d'un état indépendant et
souverain. À la sortie de l'école les enfants de six à
huit ans entrent chez eux seuls, très polis (disent
bonjour), les voitures s'arrêtent aux passages piétons
pour les laisser passer, pas d'adultes pour les
accompagner. Cependant, sur la route du Saint-Gothard
circulation importante. Cette petite ville ne donne
nullement l'impression d'une ville du bout du monde. C'est
une ville moderne très active, mais avec d'évidentes paix
et sécurité. Il y a longtemps qu'on ne voit plus ça en
France.
La liberté est aussi la liberté du banquier et de
l'exploiteur, c'est aussi la liberté de la menace que font
peser sur l'humanité ces esclavagistes, mais il n'existe
pas de justice humaine libre sans menace du retour ou de
l'éclosion de l'injustice. La liberté absolue n'est pas,
ne doit jamais être, une absence de menace comme la
lumière ne peut exister sans menace d'obscurité, d'ombre à
tout le moins. C'est ce qui donne à la liberté, la vraie,
son immense prix. Ces cantons ne sont donc pas des lieux
idylliques, des rêves vivants, mais ce sont des lieux de
vigilance aiguë, me semble-t-il. Huit siècles de liberté
ne peuvent pas exister sans huit siècles de haute
conscience. Ce sont ces huit siècles de haute conscience
qui sont en même temps que huit siècles d'esprit révolté
quelque chose d'admirable ! Guillaume Tell n'était
pas qu'un rebelle, c'était une haute conscience. Qu'est-ce
que cela signifie ? Qu'il ne s'agit pas d'une
rebellion irréfléchie et désordonnée, mais d'une rebellion
dont la nécessité est démontrée par la raison. Tell n'est
pas qu'un rebelle, un libéré ou libérateur, mais un homme
de raisonnement, un avisé. Qu'importe que Tell ait existé
ou non, sa révolte raisonnée a existé et se poursuit chez
ses descendants huit siècles plus tard. Il combat des
politiques mus par une sauvage ambition de domination et
il les combat par l'intelligence autant que par
l'arbalète.
Alors, Guillaume Tell aussi un philosophe ? Est-il
l'équivalent des incivilisés Socrate, Héraclite ?
Socrate avait été hoplite [soldat] dans sa jeunesse. La
véritable arbalète de Tell, c'est son cerveau ! Sa
qualité humaine ne faisait-elle qu'un avec la sauvagesse
de la nature au milieu de quoi il cria sa liberté ?!
Je regarde par ma fenêtre cette nature fauve,
inapprivoisée autour du lac des Quatre Cantons ? des
montagnes jaillissent du lac comme des gros muscles à la
peau velue. Des hauts arbres comme de longs poils couvrent
ces falaises. Sauvage ne signifie pas idiot. L'homme Tell
était rude, couvert d'une forêt de poils, que la statue
d'Altdorf ne peut pas montrer, sentant le musc, mais d'une
brillante intelligence, de cette intelligence que la pénitence
doit réveiller en nous. Je vois dans la statue d'Altdorf
l'identification de Tell à l'Adam d'avant le
mauvais choix (Rév d'Arès 2/1-5).Quelque chose de
l'Éden renaquit ici — pas l' Éden, mais quelque chose de
lui — Tell est indissociable d'un certain rapport à
l'époque hors du temps. Il y a ici quelque chose en
rapport à l'éternité. Le lieu n'est pas d'éternité, on y
meurt et avant de mourir on y souffre, c'est évident, mais
un fil relie cette Suisse cantonale au Ciel éternel.
Guillaume Tell vécut en des temps de retour : Tu
vois le Retour, me dit Dieu (Rév d'Arès i/1).
Abraham, Élie, Isaïe étaient des hommes du Retour. Si
Guillaume Tell avait vécu en des temps et des régions
bibliques il serait dans la Bible. La Bible est faite de
mots, mais la Vérité est au delà des mots, du
temps. Ainsi Tell est-il au delà... C'est Abraham et Isaac
que je vois dans Guillaume Tell et son fils Walter à
Altdorf. Chez l'homme de vertu, homme libre, je vois
l'humain éternel, plus exactement l'humain revenu à une
certaine éternité. Et cette certaine éternité retombe sur
les prairies pentues d'un vert magique et les forêts des
cantons. Il n'y aura pas besoin de montagnes pour
réveiller la nature dans sa splendeur dans les petites
unités humaines futures de France, d'Allemagne, du
Portugal, de Bolivie.
Foin de lyrisme ! Je ne veux pas poétiser. Je veux
montrer que le Créateur est par excellence créateur de la
liberté parce qu'il n'y a pas de vertu sans liberté, pas
de pénitence sans liberté et pas de vraie liberté
sans pénitence, c.-à-d. sans quête de vertu.
La conscience que l'homme est co-créateur de la Création
était évidente chez Guillaume Tell, parce qu'il ne pouvait
pas défier le puissant qui voulait le réduire à
l'esclavage du soumis sans avoir conscience de sa
participation active à la création permanente du monde.
Pendant le déjeuner, j'ai entendu une version de
l'histoire de Guillaume Tell qui m'a attristé. En fait, on
sait peu de choses. L'inexistence du personnage est
plausible, mais l'esprit de liberté incarné par Tell est à
l'évidence une réalité qui imprègne tous les cœurs
cantonaux. La liberté, à mon sens, désigne un ordre social
stable dans lequel chaque individu se voit donner une
chance égale. Toutefois, la liberté ne peut s'exercer que
dans le respect intégral de la liberté des autres, cet
équilibre est nécessaire à l'installation de la liberté
absolue. La liberté n'est pas que la résistance à la
tyrannie, mais elle n'est pas non plus la liberté de tout
faire et tout dire parce qu'elle impose le respect des
autres. C'est cette liberté-là que je vois chez Guillaume
Tell et non seulement le droit à la résistance qui semble
être chanté par Friedrich von Schiller (que je dois
lire ; je viens de le trouver chez Amazon). De même
que chez Clément d'Alexandrie (Stomates) on trouve l'idée,
du reste stoïcienne, selon laquelle il y aurait une idée
commune de Dieu inscrite en tout homme, je pense qu'aux
yeux des Suisses cantonaux centraux il y a en Guillaume
Tell une idée de la liberté inscrite dans chaque homme
mais soudainement exaltée au début du XIIIe siècle et
depuis lors soigneusement conservée. Il y a chez Guillaume
Tell un point de rencontre important, au plan tragique,
entre lui et Jésus. Ayant l'espoir que la vie spirituelle
revienne sur terre l'un comme l'autre se comporte avec
prudence face à ses juges — le Bailly Gessler pour Tell
comme le sanhédrin pour Jésus — puis risque le tout pour
le tout. Tell perce de sa flèche le pomme posée sur la
tête de son fils Walter, Jésus ne peut éviter la croix
mais Dieu le ressuscite. Dans les deux cas, il y a quelque
chose de miraculeux. Les deux surmontent l'épreuve et
deviennent les chefs de file de deux mouvements
libérateurs. Le mouvement de Tell se limite aux Cantons
suisses. Le mouvement de Jésus se limite à la vaillance
missionnaire de ses disciples et s'arrêtera là. L'église
dite chrétienne n'a plus rien à voir avec l'enseignement
de base de Jésus comme les démocraties du monde n'ont plus
rien à voir avec l'esprit du serment de Grütli.
Cet après-midi le voile nuageux s'est déchiré, un peu de
soleil est apparu et j'ai vu, ô merveille, les cimes
enneigées autour du Lac des Quatre Cantons. Il faut être
de bois pour ne pas comprendre que cette vue peut porter
un homme au prophétisme. Dieu a-t-Il appelé Tell ? Je
n'en sais rien, si l'Appel au prophétisme doit ressembler
à celui qui j'ai reçu, mais j'ai toutes les raisons de le
supposer s'il s'agit de l'Appel que tout homme garde
secrètement en lui comme il garde l'image et
ressemblance de son Créateur.
La vue des cimes enneigées "peut porter un homme au
prophétisme", ai-je dit. Suis-je midinette ?
Peut-être le suis-je un peu, car être pénitent
c'est être quelque chose d'une midinette, quelque peu,
mais ici je veux dire qu'avoir conscience de ses exiguïté
et faiblesse face au gigantisme de la nature en sachant
qu'elle vous est soumise, qu'elle est battable et que le
méchant tyran n'est jamais qu'un petit homme dont la force
se puise à son cynisme, sa cruauté et les esprits faibles
et craintifs qui le servent, vous comprenez soudain que la
foi en la liberté et la justice peut gagner la partie.
Pour se justifier le pouvoir, et à plus forte raison le
tyran, affirme représenter l'ordre nécessaire. C'est vrai
et à cela on voit bien tout de suite que l'ordre n'est pas
une bonne notion pour assurer paix et bonheur. L'ordre est
trop souvent un prétexte. Si l'ordre peut être prétexte et
le contraire du prétexte, c'est qu'il n'est qu'une notion
obscure et variable. L'ordre peut n'être que le désordre
du cynisme et de la méchanceté ; il peut n'être que
l'opposant de la vraie justice (la qualité de ce qui est
juste), l'ordre sanglant qui nie sa propre humanité,
l'ordre qui impose des lois de haine. Guillaume Tell, tout
inculte qu'il fût sans doute, put avoir soudain conscience
que l'ordre du Bailly Gessler était le contraire de
l'ordre selon le Bien et cette découverte lui
donna plus de force que ne lui en donnaient ses muscles et
son arbalète. Guillaume Tell c'est le passage de l'ordre
physique à l'ordre spirituel ; son âme alors
née du Bien dont il se mit à rêver lui donna cette
puissance qu'on chante encore aujourd'hui. Son histoire ne
fait intervenir aucune religion, aucun religieux, aucun
conseil moral, elle fait passer Tell de la soumission au
refus de soumission d'un seul coup. Son refus de saluer le
chapeau de Gessler, c'est apparemment la rebuffade d'un
animal sauvage qu'on veut dompter. Au contraire, un
échange de conditions se fait entre lui et Gessler :
s'il atteint la pomme sur la tête de son fils il aura la
vie sauve et la liberté et Gessler assiste à cet exercice
de tir à l'arbalète au risque que celle-ci le vise et le
tue soudainement. Il y a quelque invraisemblance dans
cette histoire de pomme-cible, de seconde flèche prète à
tuer Gessler si l'enfant est atteint. Ça ne tient
pas ! Cette légende a été inventée par l'autorité
pour faire oublier que Guillaume Tell est tout autre chose
qu'un rustre rebelle cherchant la liberté du fauve humain,
mais une intelligence qui se posa des questions de fond
sur la liberté et la conscience. Pour moi, Tell est la
naissance d'une haute conscience. Cette conscience demeure
le moteur moral du cantonal.
Guillaume Tell entretient avec l'Histoire un rapport
particulier. Il est prophète dans cette région alpine dont
sortira la Suisse. Il y a dans ce personnage une
messianité ; il fait jaillir l'obscurité à la lumière
et elle disparaît ou du moins s'estompe. C'est un haut
fait sur un point particulier du globe. La vie de Tell a
un sens eschatologique et pourtant rien de religieux n'y
intervient. Noé, Socrate, Jésus, Guillaume Tell sont sur
la même ligne éthique et spirituelle. Tous ces hommes et
d'autres qu'on ne peut pas tous nommer, dont beaucoup sont
inconnus, ont fait ressortir dans des actes de grandeur et
d'intelligence l'image et ressemblance du Créateur
qui gisait au fond d'eux. Tous furent des libérateurs au
sens le plus noble ; j'entends par noble qu'ils
participent du Roi de la Création. Qu'importe que
Guillaume Tell ne fut pas religieux, peut-être même pas
croyant, alors que tout près de là, dans le Canton de
Glaris le moine Fridolin serait canonisé, il est l'homme
dans la plus digne acception du terme, l'homme que le
Créateur a conçu. Comprendre l'histoire de Guillaume Tell
est comprendre de quelle manière Dieu a créé l'homme pour
en faire son fils. Tell est l'Abraham des Cantons Suisses,
le premier simple croyant libre dans toute sa Beauté
(Rév d'Arès 12/3).
J'ai recherché les taux de criminalité dans les Cantons
Suisses. J'ai trouvé des chiffres considérés comme d'une
exactitude relative parce que les actes jugés criminels
varient d'un canton à l'autre. Cependant grosso modo le
taux de criminalité va d'environ 15 % à Genève à environ 3
% dans les petits cantons comme Appenzell ou Obwald. Il
semble donc cinq fois moins dangereux de vivre dans les
petits cantons centraux qu'à Genève. La vertu semble plus
répandue dans les petits cantons de langue allemande, les
cantons historiques. Zoug, canton le plus riche de Suisse
a un taux de criminalité de 6,5 %. Uri : 3,5 %. mais
la vertu, bien sûr, ce n'est pas seulement ne pas tuer, ne
pas voler, etc., mais c'est aimer, pardonner, faire la
paix, réfléchir et être libre au plan spirituel et sur ces
points les statistiques sont muettes en Suisse comme
ailleurs, parce que l'amour, le pardon, l'intelligence et
la liberté spirituelles ne sont pas mesurables dans une
société humaine qui ne s'est pas donné les moyens de les
évaluer. La vertu, ce n'est pas seulement la tranquillité
des rues et la sécurité de biens, c'est l'absence de
mensonge, d'égoïsme, de méchanceté, d'exploitation, etc.
Quand dit-on qu'un homme est vertueux ? Quand il a
mis sa vie en accord avec la pénitence, qu'il en
soit conscient ou non. Je ne pense pas que les cantons
centraux suisses vivent en pénitence [au sens que
nous donnons à ce mot] mais j'affirme que cette pénitence
ne peut fonctionner de façon satisfaisante que dans de
petites unités humaines et je prétends que la basse
criminalité des petits cantons est l'indice d'une approche
intéressante de la vertu. Je rappelle que la pénitence
selon La Révélation d'Arès est un état permanent,
mais non comme dans la religion un état momentané,
ponctuel. Il ne peut y avoir de pénitence partagée
entre citoyens d'une petite unité humaine sans équilibre
et sans besoin de vertu partagé. Ce besoin dépend
d'un principe supérieur admis ou mieux encore voulu par la
majorité des citoyens : le Bien. Le bonheur
résulte du Bien. On ne peut pas invoquer la
nécessité du Bien pour imposer sa volonté. Il ne
peut dont pas y avoir de pouvoir. Il n'y a que de la bonne
gestion, le ou les gestionnaire(s) étant révocables à tous
moments s'ils s'avèrent incompétents. Si l'on invoque la
nécessité du Bien pour installer un pouvoir on
prend le problème à l'envers. Ce n'est pas le Bien
qui justifie un pouvoir, c'est une bonne gestion qui donne
sa certitude au Bien et une bonne gestion ne peut
se faire qu'avec amour, pardon, paix, intelligence
spirituelle et respect de la liberté. Une bonne
gestion se fait sans amertume ni envie et les gérés
acceptent la gestion de même sans amertume ni envie. Les
citoyens ne sont pas pour autant naïfs ou aveugles ;
ils ont une opinion sur la marche des choses, bonne ou
mauvaise selon ce que pense chacun, mais ils l'ont sans
passion. Les actuels cantonaux suisses sont-ils sans
passion – laquelle est source des grands maux historiques.
Envisagent-ils toujours la vie collective du canton avec
calme et raison ? Il semble que oui dans la mesure où
la paix et l'harmonie semblent régner ici, même s'ils ne
sont pas des pénitents au sens de La
Révélation d'Arès. Les média de ces cantons ont-ils
pour faire leur métier le goût pervers qu'ont les média
ailleurs pour la violence, le scandale, le trouble, le
crime, etc. ? Un coup d'œil sur les média du jour à
l'hôtel m'en fait douter, mais ces cantons ne vivent pas
dans l'idéal d'espérance, de vertu et de bonheur dont le
Père me charge. Toutefois, les média des cantons sur
lesquels je vois ce matin briller le soleil après des
jours de brouillard froid ne semblent pas avoir sombré
dans la démission et la fin de l'amour, à tout le moins de
l'espoir que l'amour puisse un jour gérer le monde.
Je ne sais plus qui disait qu'il faut préférer le désordre
à l'injuste et je crois que c'est vrai. Mon observation
présente des cantons suisses est trop superficielle pour
je puisse prétendre qu'ils n'abritent pas l'injustice,
mais à l'évidence ils n'abritent pas le désordre. S'il est
des lois ici — et il en est — on ne les voit pas. Je suis
frappé par l'absence de ces affichages, vus partout en
France, qui rappellent à propos de tout et de rien
l'interdiction de ceci ou cela sous peine de la loi
n° XX punissant de XXX les contrevenants. En une
semaine d'allées et venues dans les cantons de Lucerne,
Schwiz, Uri, Glaris, Nidwald et Oberwald je n'ai pas vu un
seul policier, je n'ai pas la moindre idée de l'uniforme
qu'ils portent ou plutôt des uniformes qu'ils portent.
J'idéalise par anticipation. J'imagine que ces cantons ont
accueilli La Révélation d'Arès non comme l'ultime
Parole du Créateur, mais comme le Rappel perpétuel qu'il
faut entrer en pénitence pour effacer le mauvais choix
d'Adam (2/1-5) et faire l'ascension des Hauteurs
Saintes, des Hauteurs d'Éden. J'imagine
qu'en Uri, Schwyz, Untewald [Nidwald + Obwald], Lucern et
Zoug on finisse par dénoncer ce qui aurait dû être dénoncé
depuis des siècles, et qu'on regrette d'avoir laissé à des
petits, des obscurs, dont on ne se souvient – quand on
s'en souvient – que longtemps après leur mort. J'imagine
qu'ils réalisent, ces cantonaux, qu'ils n'avaient pas à se
plier au système, même s'ils l'ont ici rendu plus humain,
plus sensé, parce que ce n'est pas de cette façon
rationaliste qu'ils pouvaient durer. Guillaume Tell
comprit que même sous la menace des chaînes, voire de la
potence ou du billot, il pouvait être au sens
humain le plus proche du Dessein créateur.
J'imagine que ceux vivant après Guillaume Tell sur ses
montagnes ne l'auraient pas seulement historié, mais
l'auraient suivi. Ceci imaginé, un peuple n'ayant d'autre
loi que la vertu — la Loi qui sera — peut-il
retrouver la paix du cœur, la modération de l'esprit, qui
permet de vivre en collectivité gérée, non gouvernée,
redonnant à l'homme la liberté absolue nécessaire à la
ré-apparition d'une société idéale ? Notre monde n'a
pas besoin des mensonges politiques, des intentions
tièdement réalisées quand elles le sont. Notre monde a
besoin de cœurs purs, aimants, libres (10/10) qui
sachent faire à la raison de l'amour sa juste place.
Quelque chose de beau me frappe à propos des petits
cantons de la Suisse centrale, c'est qu'ils ne condamnent
pas les hommes qui vivent autrement qu'eux. Ils ne se
présentent pas comme les parangons de l'organisation
humaine. Je m'attendais à trouver une petite Suisse
d'éleveurs de vaches à cloches, de petits boutiquiers et
de fêtes folkloriques et je trouve une Suisse moderne de
gens ingénieux et industrieux capables de se suffire à
eux-mêmes et qui, même s'ils ne fabriquent pas
d'automobiles et de machines à laver, peuvent échanger
contre ces produits industriels du dehors les leurs. Ils
fabriquent même des avions chez Pilatus en Nidwald. La vie
des cantons suisses n'est pas une scène d'opérette, mais
une vigoureuse aventure d'ingénieurs autant que d'ouvriers
et de paysans. J'ai sous les yeux la preuve que des
petites unités humaines sont la solution de l'humanité de
demain, et qu'elles peuvent exister dans l'amour du reste
du monde et non bien à l'abri dans une retraite fermée.
Zoug ! Étonnement devant la modernité et la surface
de la ville. Je m'attendais à un bourg rural, je trouve
une grande localité moderne. Pris le thé à l'hôtel Löwen
sur le bord du lac. Un instant je me suis senti accablé
par la pensée qu'à quelques milliers de kilomètres de ce
lieu heureux des hommes, des femmes, des enfants sont
massacrés ou vivent précairement dans des ruines en Syrie.
Ah, Créateur ! Dans quelle folie vit cette
humanité ! Pourtant, ô Père, tu crois en l'homme
puisque tu l'appelles à Arès. Une fois de plus comme
chaque jour je réalise l'ampleur de la tâche prophétique
que tu confies à un petit reste de pénitents.
Chaque homme dispose d'une zone d'influence, le pénitent
comme celui ou celle qui désespère de l'homme et pense que
le malheur est inévitable. Penser que le malheur est
inévitable, c'est lui faire trop d'honneur. L'honneur doit
être réservé à celui ou celle qui croit que le bonheur est
l'inévitable résultat de la pénitence. Ayant ainsi
pensé, je suis revenu à Zoug en quittant ma tasse de thé
et me retrouvant sur le trottoir. Je me dis que ce que
j'ai devant moi c'est la vieillesse et la mort et que je
dois me hâter de donner à mes frères des conseils
judicieux qu'ils suivront. Mais j'ai le bonheur d'être
avec des amis qui sont aussi sœur et frère que j'aime, et
d'être avec mon épouse Christiane avec qui j'ai chaque
jour le sentiment de commencer une idylle. Merci, Père, de
me donner cette compagnie de trois comme garde-corps à ma
solitude prophétique. Grâce à eux je retrouve le cœur
tumultueux et impatient de mes vingt ans... disons
vingt-cinq ans. Je trouve encore le moyen de céder aux
tentations de l'amitié pour mes amis et de l'amour pour
mon épouse, de perdre du temps en conversations et en
promenades. Tout cela me fait tant de bien, parce que je
ne peux pas vivre qu'avec le sérieux de ma tâche et je
sens dans ma présence dans cette Suisse centrale de
cantons-leçon, de cantons-espoir d'un monde changé
(28/7), je sens là un grand bonheur ! La
révolte de Guillaume Tell et à sa suite la révolte
permanente des cantonaux ne suivent pas précisément la
révolte de mon cœur contre le péché et le mal,
mais elles vont plus ou moins dans la même direction.
Pour l'heure, les cantonaux ne sont pas assez libres pour
suivre La Révélation d'Arès, mais quelque chose
d'elle est déjà gravé dans leurs cœurs ; déposer La
Révélation d'Arès ou plutôt Die Offenbarung von
Arès dans les librairies des cantons est une très
bonne idée, mais je pense que je devrais glisser à
l'intérieur un papier invitant en allemand les lecteurs à
entrer en contact directement avec moi à Arès d'abord.
Peut-être peut-on trouver chez ces cantonaux des esprits
qui ont compris que leur christianisme ne leur a donné que
des solutions provisoires, catholiques ou protestantes. Le
Père à Arès leur apporte, Lui, la solution définitive.
Mais qui sera capable de suivre ces gens ? (X) ?
Question angoissante. (Y et Z) ? Je les sens
aujourd'hui très décalés du sillage arésien. "Nemo bonus"
(personne n'est bon) dit Augustin d'Hippone (le
st-Augustin catholique) et je ne peux m'attendre à trouver
les frères et sœurs idéaux qui prendront en main ces
cantonaux de langue allemande. Chaque jour les média
donnent un tonitruant concert de nouvelles dramatiques,
notamment d'Orient. Pourquoi ne pas donner au lieu de
cette sinistre musique un concert d'espérance en criant au
monde : Ne regardez pas les ruines d'Alep et autres
massacres, mais posez vos regards sur les douces et belles
réalités de ces cantons où règnent paix et prospérité et
criez : Ce n'est pas ce qui est laid qu'il faut voir,
mais ce qui est beau ! Ne cherchez pas de solution à
l'horreur, mais imitez ce qui est bonheur ! Il va
falloir choisir dans un avenir plus ou moins proche entre
le suicide collectif ou l'utilisation heureuse des
conquêtes du cœur : l'amour, le pardon,
la paix, l'intelligence spirituelle et la liberté
absolue. La vie cantonale suisse n'est pas encore l'idéal,
mais elle est sur le sentier de la Vérité.
L'humanité est oublieuse, mais nous pouvons retenir
l'attention d'hommes qui ont conscience qu'il faut la changer
et la sauver.
La religion a donné trop d'illusions aux hommes, mais ce
qui m'étonne c'est qu'ils les aient entretenues aussi
longtemps. Aujourd'hui les hommes de France, où le Père
est revenu lancer son Appel, et d'Europe ne croient plus
en ces illusions religieuses ; ils croient dans les
illusions politiques, sociologiques, administratives, etc.
Ils croient notamment au gouvernement de masses humaines
vastes, dont la vasteté donne une illusion d'uniformité,
par des lois et des décrets au point d'oublier le droit et
la possibilité sacrés de la liberté humaine, le
développement de l'autonomie individuelle, l'exaltation de
la grandeur et non la recherche animale d'assistance. De
nos jours toutes les explosions de liberté sont réprimées,
considérées comme folies dangereuses. Des humains parmi
les rares vivant encore en petites unités et fiers de la
liberté humaine : les Roms, viennent de brûler
quelques dizaines d'automobiles pour protester contre le
refus de l'Administration de laisser l'un des leurs
actuellement en prison assister à l'enterrement de son
frère. Pourquoi considérer la décision d'un juge, dont les
perspectives métaphysiques sont nulles, plus grande que le
prix qu'accorde un humain d'accompagner son frère dans la
mort ? La réponse est simple : [La loi dit que]
l'humain doit abandonner comme le juge toute valeur
métaphysique et adorer le code juridique comme d'autres
adorent leur missel. La raison est dans la loi. C'est la
preuve que cette loi est inhumaine.
La raison est dans le cœur. Voilà qui nous ramène à
Guillaume Tell. Tell refuse de saluer le chapeau de
Gessler, c'est-à-dire la loi, et doit subir une punition à
laquelle il échappe et aujourd'hui on le présente en
exemple au monde sur une place d'Altdorf en Uri. Si Uri
m'offre demain la nationalité uranaise, j'accepte
immédiatement. Ceux et celles qui viennent au Pèlerinage
viennent y chercher l'affirmation qu'ils sont des enfants
de Dieu libres. Le pèlerin vient s'affirmer comme
pénitent libre et responsable. C'était l'esprit que
j'avais donné à "L'Œil S'Ouvre" de 1988 à Paris et j'ai
toujours regretté que nos frères parisiens aient effacé en
1989 des tracts et affiches l'Appel à la lutte qui y
figurait l'année précédente. Je sais qu'il est toujours
difficile d'unir réellement ceux qui luttent, ne serait-ce
que par la pénitence, de ceux qui attendent.
Pourtant, c'est bien parce que l'argument de l'espoir ne
suffit pas et qu'il faut l'action du Bien que le
Père est revenu à Arès parler aux hommes. C'est parce
qu'il est impossible de fondre dans un même esprit de pénitence
et de liberté des humains dont les soucis et les
peines sont différents qu'il faut les faire vivre en
petites unités, là où l'amour, le pardon,
la paix, l'intelligence et la liberté spirituelles
peuvent mieux se développer, entre gens qui ne sont pas
complètement inconnus les uns pour les autres, qui sentent
mieux la misère du péché qu'ils partagent.
Guillaume Tell a été montré en exemple dans un petit
groupe humain ; il serait passé inaperçu dans une
grosse masse.
Les hommes ne subissent ce qui les dépassent avec
fatalité, ne subissent passivement les mots ronflants de
la politique, de la loi et dans certaines pays de la
religion, que lorsque, noyés dans la masse, où les
médiocres s'installent facilement comme chefs,
leur protestation n'a aucune chance d'être entendue. La
valeur et la dignité sont étouffées sous les masses
d'autant plus médiocres et stéréotypées qu'elles sont
vastes. C'est dans une petite société que l'âme a
conscience qu'elle existe, qu'elle rend actives ses
certitudes, ne demande qu'à s'employer à la réapparition
du Bien dans le monde, le Bien plus fort
que la loi. La loi mène l'homme aux plus lâches
servitudes. N'a-t-on pas vu comment les nazis ont mené le
peuple allemand par la loi ? La loi, contrairement à
ce qu'elle prétend être, est une philosophie et une
philosophie pessimiste, parce qu'elle définit surtout ce
qui est interdit. Mais pour interdire ce qui est à
l'évidence recommandé de ne pas faire comme tuer ou voler
a-t-on besoin de loi ? A-t-on besoin de loi pour dire
qu'on peut librement s'exprimer ou qu'il faut respecter la
vie de son voisin, ne pas empiéter sur son espace
vital ? La loi considère que l'homme est mauvais et
elle le tient en laisse et le rend ainsi mauvais. Je ne
suis pas légiste et je n'ai pas étudié les lois d'Uri,
Nidwald, Schwyz, etc., mais je pense à la seule
observation des lieux qu'elle est loin d'être aussi
envahissante que la nôtre en France. Mais, c'est vrai, je
rêve de petites unités humaines qui n'ont pour loi tacite
que le Bien et je crois que cela existera de
nouveau sur terre par l'explosion des grandes masses en
petits groupes autonomes.
Martin Luther King a dit (et bien d'autres l'ont dit avant
lui) : La loi n'a jamais rendu un homme bon. La bonté
ne vient pas à coups de règle sur les doigts. La bonté
vient par la confrontation dépassionnée des visions,
l'échange des idées dans l'intention réfléchie de trouver
la meilleure. Le dépassionnement de l'échange s'apprend
par l'éducation et l'œil posé sur l'autre devient
graduellement bon. Rien ne se définit en un tournemain
surtout autour du problème de l'existence et donc de
l'existentiel, car chacun a le droit fondamental de se
définir existentiellement et par rapport à l'existence de
la société à laquelle il se rattache car, sauf l'ermite,
l'humain est social. L'existentialisme est une grande
aventure humaine de l'égo parmi les égos. Était-ce le
souci de Guillaume Tell ? Oui, parce que son fils
Walter était directement concerné. Walter était la
société. Gessler qui avait pesé l'humanité profonde de
Guillaume plaça vicieusement celui-ci face à un double
problème : le sien et celui de l'autre. Dès lors que
l'existence de l'autre est en jeu il y a un très difficile
problème d'objectivité. La flèche perçant la pomme semble
le résoudre, mais il y a la seconde flèche gardée en
réserve [pour Gessler] et l'existentiel posé devient alors
triple : Guillaume <=>Walter<=>Gessler.
Aucune doctrine ne peut résoudre cela. La seule solution
consiste à ne pas poser le problème comme Gessler le
fit ; le pardon était la solution et plus
encore que le pardon le fait de ne pas contraindre
le passant à saluer le chapeau. Il faut que l'homme
s'évade enfin de ce dilemme, s'évade de son Histoire qui
n'est qu'une suite sans solution de ce dilemme et c'est ce
que propose La Révélation d'Arès : changer sa vie
(30/10-11), changer de vie, éteindre les sentiments
et ressentiments. La loi ne fait que s'arranger avec les
ressentiments ; elle ne propose jamais de critique
objective de la situation. La loi garde un fond
barbare : la loi ou la punition, rien entre les deux.
La loi ne peut qu'entretenir le mensonge et la haine de
ceux qu'elle entend soumettre.
La loi maltraite sans cesse notre intelligence.
Elle ne peut de ce fait résoudre le problème du mal. Il
doit être résolu au fond de nous, et il ne peut être
résolu par l'intellect qui est un fauve dangereux et
traître. Seule l'âme peut le résoudre et l'âme
naît, comme le dit La Révélation d'Arès, de la pénitence.
Mon arbalète, c'est mon âme. Si j'ai l'intelligence
du cœur j'ai quelque chance d'avoir une âme. Quand
Göring, un des grands chefs nazis, disait : "Quand on
me parle d'intelligence, je sors mon revolver", il
entendait intelligence du cœur, preuve qu'il
savait qu'elle existait ou pouvait exister. Quand l'intelligence
du cœur s'éteint, c'est la loi qui s'allume. L'intelligence
du cœur est l'outil de l'homme libre (10/10).
Il n'existe pas de bon régime politique ; l'histoire
de Guillaume Tell, modèle d'anti-politique, en fait
preuve. Les petits cantons nés d'un farouche élan de
liberté sont quand même plus ou moins politiques, mais ils
soumettent leurs citoyens à un minimum de contraintes, je
pense ; ils sont sur la voie d'un idéal non encore
atteint mais esquissé de façon très intéressante.
Tout le monde ne nous aime pas. Beaucoup sourient avec
pitié, maugréent ou haussent les épaules quand on évoque
devant eux les Pèlerins d'Arès et la Source de leur
foi : La Révélation d'Arès. Beaucoup d'autres
encore sont indifférents. La haine, le mépris ou
l'indifférence sont des critiques muettes. Cela nous
oblige à rendre compte de notre foi. Le meilleur moyen
d'en rendre compte devant la masse négative des humains
est de développer une idée concrète du monde changé
(28/7). La création d'un parti Confédération
Française [projet juridiquement très difficile à réaliser,
toujours à l'étude] peut être un bon point de
départ : la pénitence au niveau supérieur de
l'espérance comme une nouvelle vie sociale en petites
unités humaines au niveau inférieur de l'espérance. Pas
besoin d'apologétique qui reste dans le métaphysique. On
peut virer tout de suite au pratique, à un matérialisme de
l'espoir d'un homme et donc d'un monde changé,
meilleur. Rien de religieux. Pas même le besoin de citer
Dieu, dont je suis le serviteur mais c'est mon affaire
personnelle et celle des Pèlerins d'Arès ; des
incroyants peuvent se joindre à nous. Besoin de citer
seulement le Bien. Le Bien,> pas une
idéologie. Mon séjour dans les petits cantons suisses est
le terreau de cette idée.
|